Suzette: a Digital Edition

23. — Le secret de Ludivine.

Il dit cela avec la belle tranquillité de l'inventeur*Inventeur. Celui qui fait une invention. sans reproche, et il continua :

5. 82 SUZETTE.

— La ficelle a cassé ; et comme j'étais couché, le cliquet*Cliquet. Petit levier pour empêcher une roue dentée de revenir en arrière. m'est tombé sur le nez.

Il montrait le plafond, où se voyaient encore quelques clous, des trous, des dégradations du plâtre :

— Papa, ça a très bien marché, au moins vingt fois ; l’éteignoir descendait tout seul et fonctionnait à ravir. — Son regard rencontra la bougie à demi consumée et, sur une chaise, une cinquantaine d'allumettes brûlées : — Mais, à la vingt-unième fois, la ficelle casse ; paf ! le cliquet sur…!

La main paternelle fit un petit mouvement du côté de l'éteigneur de chandelles. Mais Suzette, déjà en train de bassiner*Bassiner une blessure. Humecter, mouiller avec un liquide tiède ou chaud.la blessure, arrêta d'un regard cette main.

— Papa, dit-elle, ne prenez pas la peine, je vous prie, de vous occuper de ce mauvais garçon. Et vous, Monsieur, tournez-vous par ici, cachez à votre père cette vilaine trompette de nez que vous venez de changer en pomme de terre !>

Le papa grommela*Grommeler. Murmurer, se plaindre entre ses dents. un instant, puis :

— Bon, pose-lui là-dessus une toile d'araignée, quoiqu’il ne mérite pas tant de soins.

Mais où étaient-elles les toiles d'araignées ? Depuis longtemps cela avait déserté*Déserter. Voir nº 11. la maison.

Avant qu'on eût le temps de le retenir, François — C'est la ficelle qui a cassé et le cliquet m'est tombé sur le nez. LE SECRET DE LUDIVINE. 83 s'élança, escalada le grenier, et redescendit ; il en tenait une.

— Je l'ai découverte ce matin à la lucarne d'en haut.

La toile fut appliquée sur le mal.

— Maintenant dormez, Monsieur, et laissez-nous dormir !

Mais pendant le reste de la nuit, ah ! comme elle poussa, la pomme de terre ! et comme au matin elle était haute en couleur !

— Pourtant, dit M. Dumay à Ludivine, lorsqu'en passant elle vit l'accident, la toile d'araignée, voilà bien, dit-on, ce qu'il faut pour les écorchures !

Ludivine hocha la tête :

— La toile d'araignée, c'est bon et ça ne l'est pas ; vous me comprenez, Denis ? ça dépend. Mais j'ai un secret de ma défunte mère. — Puis, doucement, en femme qui a un secret, et qui ne veut pas le laisser tomber en route, Ludivine alla au colombier. Elle reparut bientôt, tenant quelque chose dans sa main fermée, et annonça à voix basse qu'avant une heure elle rapporterait un onguent*Onguent. Mélange ou composition molle qu'on étend sur du linge, du papier, et qu'on applique sur une plaie. dont on lui dirait des nouvelles.

Après trois quarts d'heure, elle revint avec le visage d'une personne enchantée de faire le bien, et de ses propres mains plaça sur la toile d'araignée un cataplasme. François poussa une exclamation, renifla, et avec une grimace :

— Pff ! pff ! qu'est-ce que c'est que ça ?

— Trois jours et trois nuits garde-le-moi là où il est, dit Ludivine, et tu seras pour longtemps à l'abri des maux de nez et même d'oreilles. Ma grand-mère, ma mère en ont guéri beaucoup... et demande à Plectrude, à Jean-Marie, à Morisot, si je leur ai fait du mal.

Mais, le soir, la douleur commencée avec l'application de la toile d'araignée s'accrut beaucoup.

— Pff ! pff ! qu'est-ce que c'est que ça ? répétait François.

Cependant, comme il voulait guérir au plus vite pour chercher une ficelle plus solide et reprendre son 84 SUZETTE. expérience*Expérience. Epreuve, essai que l'on fait pour découvrir ou pour arriver à démontrer une vérité., ou quelque autre de ce genre, il tenait bravement.

Mais Suzette devenait inquiète.

Questionnaire.

  • — En quels termes François acheva-t-il le récit des causes de l'accident ?
  • — Que dit et fit Suzette pour apaiser la colère de M. Dumay et pour soulager François ?
  • — Quel remède singulier indiqua le père et comment se le procura-t-on ?
  • — Comment se comporte le nez pendant la nuit ?
  • — Quel remède secret prépara Ludivine ?
  • — Racontez comment il fut appliqué par elle et accueilli par le malade ?
  • — Quels conseils donna la voisine pour assurer le succès de son emplâtre ?

DÉVELOPPEMENT DES SUJETS PROPOSÉS POUR EXERCICES

Morale.

  • — Faut-il se moquer des enfants qui s'amusent à confectionner des machines ?
  • — Pourquoi ?
  • — Connaissez-vous des enfants auxquels on doit des découvertes utiles ?
  • — Résultats fâcheux des moqueries entre élèves.

En général, les enfants sont observateurs ; ils aiment à examiner les choses, à se rendre compte de ce qu'elles sont, comment elles fonctionnent et quel parti on en peut tirer. Il est donc juste de les encourager quand ils manifestent de semblables dispositions, et de leur venir en aide par des conseils ; peut-être ainsi une vocation se manifestera-t-elle et sera-t-elle le point de départ d'une existence utile à la société.

C'est à un enfant qu'on doit la découverte de l'appareil qui règle l'entrée et la sortie de la vapeur dans le cylindre où se meut le piston de la machine ; Galilée, enfant, remarqua à l'église les mouvements égaux d'une lampe suspendue et imagina le pendule ; Franklin, enfant aussi, fit une observation pendant un orage en jouant au cerf-volant, et plus tard en tira l'idée du paratonnerre. On raconte que l'usage des lunettes provient de la remarque d'un petit Hollandais qui regardait les objets avec un morceau de glace convexe.

La moquerie a pour objet de rendre ridicules certaines personnes au moyen de critiques malveillantes, exagérées, présentées sous une forme plaisante. On peut montrer ainsi quelque esprit, mais on dévoile en même temps qu'on manque de tact et de cœur, surtout si les observations malignes sont inspirées par une difformité naturelle. Les moqueurs amusent parfois, mais personne ne les estime : que les jeunes filles ne l'oublient pas, elles si promptes à signaler ce qu'il peut y avoir de singulier dans la physionomie, la tenue et les vêtements de leurs compagnes !

Hygiène.

  • — Qu'appelle-t-on remèdes secrets, remèdes de bonne femme ?
  • — Sont-ils tous efficaces ?
  • — Pourquoi ?
  • — Lorsqu'un enfant est malade ou blessé, qui faut-il consulter : 1º si le mal est léger ; — 2° s'il est grave ?
  • — En quoi est-il très avantageux que les jeunes filles étudient l'hygiène et reçoivent des notions de médecine usuelle ?

On appelle remèdes secrets, remèdes de bonne femme, des remèdes simples en usage parmi les gens peu instruits, et qui, presque toujours, n'ont aucune efficacité quand ils ne présentent pas d'inconvénients. Il faut se défier des personnes qui font métier de préparer ces remèdes ; car souvent, parmi elles, il se trouve des fripons effrontés ; de plus, comment peut-on croire à la valeur des compositions qu'elles offrent aux naïfs, puisqu'elles-mêmes n'ont aucune notion de la médecine ?

LA BOHÉMIENNE. 85

Lorsqu'un enfant est malade ou simplement indisposé, il faut :

Si le mal est léger, consulter une personne expérimentée, une mère de famille autant que possible.

Si l'indisposition ou la blessure sont graves, il est nécessaire de demander sans retard l'aide du médecin : l'argent ainsi dépensé est toujours bien employé. En attendant la venue de l'homme de l'art, l'enfant malade sera mis au lit, et on se gardera de lui donner autre chose que des boissons tièdes et rafraîchissantes, telles que la tisane au chiendent, à la réglisse.

Chacun sait que les médecins ne sont pas toujours libres de venir auprès d'un malade, lorsqu'on les en prie, car ils se trouvent fréquemment retenus au chevet d'un autre ; il est donc très désirable que, dans chaque maison, une personne sache donner les premiers soins en cas d'indisposition ou de blessure, ce qui, plus d'une fois, enrayera le développement du mal. Tel est le motif pour lequel, dans la plupart des écoles, les maîtresses se font une obligation de dicter aux élèves les conseils et les recettes pour remplir le rôle de garde-malade ou d'auxiliaire du médecin. Toutes devraient, à la fin de leurs études, se munir d'un bon traité d'hygiène et des excellents petits livres intitulés : Remèdes des champs et l'Art de vivre longtemps (Libr. Hachette ; 0 fr. 50 chacun).

Industrie.

  • — CHANDELLES.
  • — Décrivez une chandelle.
  • — Quelle est la matière d'une chandelle ?
  • — Quelle est la matière de sa mèche ?
  • — Comment fabrique-t-on les chandelles ?
  • — Quels sont leurs avantages et leurs inconvénients ?
  • — Combien coûte le kilogramme de chandelle ?
  • — (Mêmes questions sur les bougies).

Les chandelles sont des cylindres de suif fondu à l'intérieur desquels on a introduit une mèche de coton.

Pour les fabriquer, on met fondre de la graisse de bœuf ou de vache dans une grande chaudière, et, lorsque le liquide qu'on obtient est suffisamment limpide, on le coule avec une cuiller de fer dans des moules de bois où l’on a tendu une mèche de coton.

Le procédé est le même pour les bougies ; seulement la matière employée est la stéarine, qui provient d'huiles grossières ou de graisses animales, et qui jouit de la propriété de se durcir et de blanchir en se refroidissant, tandis que les chandelles sont molles et jaunâtres pour peu que la température s'élève.

Les chandelles donnent un éclairage peu dispendieux ; mais il est insuffisant et il se produit avec un dégagement de fumée et de gaz dont l'odeur n'a rien d'agréable.

La lumière des bougies est plus vive, plus blanche, et pendant que la flamme brûle, il n'y a ni odeur ni fumée ; de plus, la mèche étant tressée, elle se consume tout entière et il n'y a pas besoin de la couper de temps en temps comme celle des chandelles.

Le kilogramme de chandelle coûte de 0 fr. 90 à 1 fr. 20 ; celui de la bougie revient à 1 fr. 80 ou 2 francs dans la plupart des localités.

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